Se questionner sur son travail en atelier allaitant
À l'occasion de son AG le 13 mars à la Germinière, le syndicat Charolais Sarthe a invité ses adhérents à réfléchir sur l'organisation du travail. Le schéma des " 3 casquettes " aide à visualiser les composantes du travail pour mieux diagnostiquer sa situation.
Une cinquantaine d'éleveurs adhérents du syndicat Charolais Sarthe se sont réunis mercredi 13 mars, dans l'amphithéâtre de l'Agrocampus la Geminière, à Rouillon, un lieu choisi pour la première fois pour son lien avec la jeunesse, promesse d'installations futures et de dynamisme pour le syndicat. Son président, Maxime Niepceron, salue d'ailleurs l'arrivée de 6 nouveaux adhérents pour cette année 2024, qui sera marquée par l'organisation, en collaboration avec la Chambre d'agriculture et Bovins Croissance, d'une journée départementale viande bovine le 27 juin au Gaec de la Devinière, à Vion. L'événement, qui abordera le matin le thème des " 3 R : résilient, renouvelable, rentable ", sera l'occasion de mettre à l'honneur la race à travers le cheptel de Daniel Regner.
Une composition de la main d'œuvre stable
Après une matinée marquée par une intervention de Louis Clément de Givry, technicien du Herd Book charolais, sur la nouvelle carte HBC, et quelques échanges tendus avec les représentants de Bovimaine et Socopa au sujet des contrats, l'après-midi était consacrée au thème de l'organisation du travail. Le syndicat avait invité, pour traiter le sujet, Delphine Breton, chargée de mission viande bovine à la Chambre d'agriculture et Olivier Martineau, conseiller spécialisé sur la question du temps de travail en agriculture.
La composition de la main d'œuvre en élevage allaitant a peu évolué au fil du temps -hormis une disparition amorcée du bénévolat au profit du salariat-, selon le constat brossé en préambule par Delphine Breton, d'après une étude s'appuyant sur le réseau de fermes de référence entre 2014 et 2021. En face, à noter un accroissement des surfaces de l'ordre de 2 à 3 ha de SAU par an, soit un dernier rapport de 91 ha de SAU par unité de main d'œuvre. " La taille des troupeaux se stabilise depuis 2018 mais on observe une légère dégradation de la productivité des ateliers, soit +3,5 UGB pour 85 vêlages, ce qui peut s'expliquer par un peu plus de poids sur les animaux finis. "
Grande variabilité du temps de travail
La charge de travail en atelier allaitant, dont la structure reste également assez stable au fil du temps, est estimée entre 1 200 h et 1 500 h par an d'astreinte par personne de la cellule de base (données 2011), un temps qui peut toutefois être très variable selon les situations. Pour caractériser ce travail et ce qui influe son efficacité, Olivier Martineau s'appuie sur une approche novatrice. " Qu'est-ce qui différencie les 20% d'éleveurs les plus efficaces au travail des 20% qui passent le plus de temps sur l'élevage ? " interpelle-t-il .
Parmi les éléments de réponse, on retrouve, pour les éleveurs les plus efficaces, ceux qui limitent le nombre de passages à l'auge, soit par un petit nombre de fourrages, soit par un système désileuse, en tout cas une cohérence entre alimentation et système de distribution. La taille du troupeau peut aussi engendrer une économie d'échelle à condition que le système soit d'abord organisé et cohérent. Un équipement de paillage adapté à la taille du troupeau et une bonne organisation spatiale des bâtiments et des sites d'élevage pèsent aussi dans la balance. L'autre levier qui structure fortement le temps de travail, doublement souligné par Delphine Breton, reste le groupage des vêlages. " La période de vêlage la plus courante en Sarthe reste la période étalée, avec un peu plus de naissances sur février-mars. Mais il y a une vraie tendance au développement des périodes d'automne ", observe la conseillère.
Le schéma des trois casquettes
Ces constats posés ramènent à la question du rapport de chaque éleveur à l'efficience au travail. " Un arbitrage va ainsi se faire entre plaisir et rentabilité ", souligne Olivier Martineau qui a fait ainsi se remettre en question les participants : " pour vous, éleveur est-t-il un mode de vie ou un métier ? Etes-vous plutôt perfectionniste, simplificateur, efficient ? " L'attitude au travail dépend des valeurs de chacun.
Pour caractériser le travail en atelier allaitant, Olivier Martineau a recours au schéma des " 3 casquettes " : opérationnelle (ce que l'opérateur fait : labourer, récolter, nourrir, etc.), tactique (le cadre d'organisation : concevoir les rations, trier les animaux, décider de faucher, etc.), et stratégique (le directeur décide le cap en choisissant d'investir, négociant les prix, planifiant une production). Les éleveurs présents se reconnaissent dans les trois casquettes, bien d'accord sur le fait que chacune est indissociable des autres. " La seule que vous ne pouvez pas déléguer, en tant que chef d'entreprise, est la casquette stratégique. Les 3 missions peuvent être accomplies en même temps -on peut, étant en train de semer, prévoir la date de récolte tout en réfléchissant au prochain investissement- mais celle qui exige du temps, avec l'astreinte en saison, c'est l'opérationnelle. " Tout l'enjeu est alors, pour l'expert, de " dégonfler la casquette de l'opérateur ", en diagnostiquant sa situation pour mesurer le besoin en temps de travail, mais aussi évaluer sa volonté personnelle et collective (s'il y a des associés) à vouloir s'améliorer, et sa capacité à changer ses habitudes.
Les écueils du salariat
Un tel cheminement est forcément utile à ceux qui veulent évoluer, le but étant de choisir ensuite une solution adaptée. Les leviers sont nombreux, le premier étant le salariat avec les limites actuelles qu'on lui connaît. Une solution serait d'aller piocher dans le réservoir de Nima (non issus du milieu agricole), mais ceux-ci semblent être plus enclins à s'installer en individuel, tandis que la plupart des départs en élevage sont des départs d'associés. Reste aujourd'hui à tenir comte du fait que la relation employeur-salarié a changé : les jeunes d'aujourd'hui veulent garder la liberté d'un CDD, cherchent du sens, (exit le sacrifice et le job à vie). " L'employeur devient de plus en plus un manager collaboratif, qui implique désormais de travailler dans le même sens que son salarié ", détaille Olivier Martineau. Ce qui implique, pour l'employeur, la nécessité de soigner son attractivité, faire adhérer, intéresser sur un projet, donner au jeune de l'autonomie. L'expert a cité quelques autres pistes qui pourront être explorées par chacun, qui ont trait soit aux techniques de production (grouper les vêlages), au système (se spécialiser ou se diversifier, arrêter un atelier, extensifier ou intensifier, etc.), au rapport homme/machine (robotiser, embaucher, s'associer, déléguer, etc.). Autant d'idées qui vont encore pouvoir faire gagner en qualité de vie les éleveurs.